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2 juin 2011 4 02 /06 /juin /2011 18:16

Un des débats fréquent dans le champ philosophique correspond au problème de savoir si le sujet est une entité unifiée ou divisée. Le sujet est-il transparent à lui-même comme chez Descartes, ou le lieu de l'unification des représentations comme chez Kant? Est-il plutôt une émergence comme chez Hegel ou Nietzsche?

Nous voulons ici défendre l'idée d'une plasticité représentative de soi dépendante d'un situationnisme corporel. Le corps est un être relationnel, il est toujours déjà plongé au sein d'une situation qui pour partie l'excède, c'est-à-dire qu'il ne peut avoir d'emprise sur les datas de cette situation, et pour partie fait corps avec lui en ce sens, qu'étant plongé en elle, il ne peut s'en échapper et se trouve contraint de composer avec elle. Les situations sont extrêmements variables (travail, être entre amis, faire l'acteur,...) et il ne serait pas posible ici d'en faire l'inventaire. Nous pouvons néanmoins tenter d'en offrir une définition minimale qui aura le mérite de correspondre à tous les cas empiriques : une situation est une interaction entre un sujet qui s'expose et un champ restreint du monde (le corps étant l'acteur principal ou le plus évident de l'interaction : nous utilisons le terme corps par commodité d'usage mais nous ne voulons en aucun rejouer la dichotomie surannée du corps et de l'esprit. Le corps doit être entendu ici comme entité psychophysique). Ce que nous appelons "champ restreint du monde" est un espace, social ou non, mais porteur d'enjeux pour le sujet. Il correspond à tout espace où le sujet est éprouvé, mis à l'épreuve d'une manière ou dune autre. Cette épreuve qui s'excerce sur le sujet est le moyen pour ce dernier de réitérer la conscience qu'il a de lui-même, ainsi de se donner une représentation de lui-même. Il nous faut encore ajouter un mot concernant la définition d'une situation : la variabilité temporelle dont elle est constituée. Elle peut se concentrer en un happax existentiel (une situation limite qui fait prendre conscience de l'urgence d'exister. Nous renvoyons ici à Vladimir Jankélévitch), ou se dérouler au gré du quotidien pour un temps indéfini. La situation excède et est la condition de possibilité du sujet comme conscience de lui-même. 

Quelles conséquences pouvons-nous tirer de cette définition? La conclusion principale que nous pouvons déduire est la plasticité potentielle et réelle du sujet. Le sujet, en tant qu'adpatation, peut varier en fonction des situations au sein desquelles il est englué contre son gré. Mais cet engluement n'est pas une fatalité, au contraire, il est la source d'accroissement de la connaissance de soi. Le sujet connaît des variations, parfois substantielles, selon les situations où il se trouve et le corps lui-même s'en trouve modifier. 

Prenons quelques exemples : lorsque nous nous trouvons dans un pays étranger, lorsque nous incarnons un personnage de théâtre, lorsque nous parlons une autre langue, ou encore lorsque nous sommes perdus en pleine nuit, nous n'avons pas le même corps, nous le ressentons différemment. La phénoménalité du corps, ici synonyme de représentativité, est différente selon la situation dans laquelle le corps est plongé. Il y a, à côté du corps biologique, un corps phénoménale comme l'a montré Merleau-Ponty par exemple, qui est corps situationnel et qui influe sur l'autoconscience. 

Tirons les conclusions nécessaires de cette réflexion. Contrairement à certaines attentes deconstructives, le sujet n'est pas détruit parce qu'il est divisé. Cette division du sujet, ce morcèlement, ou cette plasticité subjective et corporelle, ne sont pas la fin du sujet mais une compréhension autre de celui-ci. Le sujet n'est plus une entité claire et distincte, un être transparent à lui-même, mais une opacité qui se dévoile en fonction des situations. Il faut donc comprendre le corps-sujet comme une entité historiques et relationnelles. 

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